Il y a bien longtemps il m'était fait obligation d'assister à toutes les messes qui avaient lieu à 6H du matin les jours de semaine et à 6H, 10H, plus les vêpres à 16 H, le dimanche et les jours fériés. Mon éducation religieuse faisait partie de mon moi. Je croyais en Dieu et je pratiquais sans même me poser de question.
Or, j'ai fais la connaissance d'un homme qui a été mon mari durant 42 ans. Mais voilà, il était divorcé et le nouveau concile était d'accord pour pardonner un meurtrier récidiviste mais pas un couple divorcé.
Et c'est ainsi que je me suis trouvée excommuniée. Depuis environ cinquante ans je n'ai plus pratiqué, plus communié. Je n'ai toujours pas la réponse à savoir auquel d'un divorcé ou d'un criminel le Seigneur pardonnerait.J'ai toujours beaucoup de mal à regarder les paroissiens aller communier sans aucune préparation et sans être à jeun.
J'ai connu Jean XXIII qui était venu en Corse couronner Notre Dame de La Vasina, je crois en 1953 et j'ai eu un culte particulier pour Jean-Paul II, jusqu'à ce que... Mais ça c'est une autre histoire.
En définitive, je suis trop droite et ne puis accepter tous les dogmes de l'Eglise Catholique.
J'ai fait baptiser mes trois enfants, leur ai fait faire leur communion et leur confirmation.
Si je vous parle de tout cela aujourd'hui, c'est que ce matin, et le jour de la canonisation des deux papes j'ai assisté à la messe devant le petit écran avec beaucoup de ferveur et d'émotion.
Masha le 18 mai 2014
De la Bure à la Soie - Suite n°(
« J’aime cette vieille qui me rappelle ma grand-mère,
pense-t-il. Les mêmes traits durs et tendres à la fois. Cette peau mate. Ces
grands yeux qui refusent de vieillir. Ce sourire à peine esquissé qui vient de
l’intérieur. Ces cheveux tirés en chignon. Ce port altier. Cette façon de se
vêtir, propre et pratique, au lavoir comme à l’église ; seuls changent le
foulard noir noué sous le menton, le tablier que l’on quitte et les bottines
réservées pour les grandes occasions, à la place des galoches aux semelles de
bois clouté.
« Lorsqu’on la regarde on ne peut s’empêcher de songer
aux soirées au coin du feu, aux histoires de loup-garou et de sorcière, aux
gâteaux à la farine de châtaigne et aux noix, au miel du maquis, aux confitures
de figues, aux soupes tellement épaisses que la louche tient debout dans la
marmite. Et tout cela, accompagné de tendresse, d’amour, de patience. Cette
façon de commander sans en avoir l’air. Cette volonté inflexible, cet orgueil à
ne céder devant ni Dieu, ni diable.
« Et ces mains épaisses, carrées. Elles en ont battu du
linge, pétri de la pâte, frotté, ciré, raccommodé. Faites pour les caresses,
elles sont demeurées douces et fermes. On a envie de les embrasser, de les
remercier d’avoir essuyé tant de larmes et soigné tant de bobos. Y a-t-il plus
grande valeur sur cette terre, songe le jeune médecin en passant dans le
couloir où filtrent des bruits venant des chambres, des pleurs, des plaintes.
Pauvre femme. »
- Elle n’a pas eu de chance, murmure Claudia. J’aurais tellement aimé la
choyer comme elle l’a fait pour nous.
Le docteur sursaute au son de cette voix qui vient clore ses
pensées.
- Qu’a-t-elle voulu dire par : « rentrer chez
elle » ? De qui parlait-elle ?
- De ma mère, sa soeur.
- Venez boire ce qui ressemble à un café et racontez-moi.
- Oh c’est une histoire banale ! Ce qui l’est moins c’est la haine
que ma mère voue à sa soeur aînée.
- Vous m’intriguez.
« Mon grand-père était parti en Bolivie dans l’espoir
d’y faire fortune. Il épousa une française et de ce mariage naquit ma tante
Jeanne qui perdit sa mère alors qu’elle n’avait que deux ans. Mon grand-père se
remaria avec une bolivienne et ils eurent une seconde fille, ma mère prénommée
Dolorès. Il n’oublia jamais sa première femme, Agnès, qu’il adorait. Cet amour
rendit ma grand-mère et ma mère si jalouses qu’elles se mirent à haïr la pauvre
tante Jeanne.
« Mon grand-père revint en Corse avec ses deux filles,
veuf à nouveau et malade. Dans ses bagages il ramenait suffisamment de pierres
précieuses pour assurer un avenir confortable à la maisonnée. A sa mort,
Dolorès s’accapara la petite fortune et ne laissa à tante Jeanne qu’une vieille
maison, celle qui vient d’être détruite par le bombardement, et une vigne.
« Dolorès épousa le maire du village, mon père. Ce
n’était pourtant pas elle qu’il aimait. Il adorait tante Jeanne, pas très
jolie, avec une tendance à l’embonpoint mais avec un regard si tendre d’un noir
profond et un sourire de miel qui la faisait paraître belle.
« Tante Jeanne avait deux prétendants, mon père et un
dénommé Julien, homme peu scrupuleux, aimant la gaudriole et l’alcool. Un soir,
à la demande de Dolorès, Julien se présente chez tante Jeanne ; tandis
qu’elle fait passer mon père devant la vieille maison, juste au moment où le
dénommé Julien en sort alors que la nuit tombe. Dépité mon père épouse ma mère,
Dolorès. Il est mort sur les champs de bataille et je ne l’ai pas connu.
« Je ressemble beaucoup à tante Jeanne, ce qui m’a valu
bien des paroles désobligeantes. Avec le temps, bien au contraire, le caractère
de ma mère ne s’arrangea pas.
« Je suis tombée amoureuse d’un jeune homme appelé sous
les drapeaux. Lorsque ma mère sut que j’étais enceinte elle me mit à la porte.
C’est tante Jeanne qui m’a recueillie et aidé à élever ma fille. Je n’ai que
très peu de nouvelles de mon fiancé qui est prisonnier. Laura, ma fille, ne le
connaît pas.
« Voilà toute l’histoire, pas de quoi en faire un
roman. »
- Vous avez raison, et je crains que vos soucis ne s’arrêtent là. Vous
pourrez partir avec votre tante en fin de semaine, mais je ne pense pas qu’elle
puisse résister encore longtemps. J’ai d’ailleurs l’impression qu’elle ne le
souhaite pas. Elle Présente une infection généralisée. Nous manquons de
pénicilline et le pire est à craindre. Il vous faudra être courageuse.
Remarquez que l’on voit tous les jours des miracles et votre tante est robuste,
elle pourrait bien guérir, à condition que le moral soit bon. Une femme de
cette trempe...
Sans un mot, Claudia quitte le jeune médecin. Bouleversée par
ce diagnostic, elle ne peut retourner immédiatement près de tante Jeanne.
« Il ne faut rien lui dire. Peut-être que le médecin se
trompe. Tante Jeanne est, en effet, très résistante. Et puis le fait de
retrouver son village, de rechercher une autre maison, le contact avec sa
petite nièce. Peut-être ?... »
Lorsqu’elle retourne dans la chambre elle est étonnée de voir
sa tante habillée, assise sur le lit, prête à partir.
- Tantine, tu es bien pressée de rentrer tout à coup. Je croyais que tu
n’avais pas hâte de te retrouver chez ta soeur.
- Il y a des moments où il n’est plus utile de réfléchir. Cela te fera
moins de frais si nous rentrons avant.
- Avant quoi ?
Mais la tante préfère se taire. Elle veut donner l’impression
de ressentir un grand bonheur. Mais peut-être est-elle en effet heureuse d’être
en vie et de rentrer.
Le retour est réellement gai pour Claudia. Remplie d’espoir,
elle a hâte de revoir sa fille, de retrouver une maison, de reconstruire un nid
douillet pour toutes les trois. Et puis, peut-être qu’il reviendra. La guerre
est finie ; ce n’est plus qu’une question de semaines.
« Il faut qu’à son retour il nous trouve en parfaite
santé dans une maison qui l’attend. Il le faut !... »
Sur le chemin du retour tante Jeanne résiste à la douleur,
aux bourrasques du vent, aux cahots de la route qui la font glisser sur son
côté douloureux. Claudia la tire pour atténuer les pertes d’équilibre sans se
rendre compte qu’elle lui fait subir un véritable calvaire. Mais la tante ne
dit rien. Elle retourne au village. Claudia lui a assuré que dès le lendemain
elle trouverait un appartement. Et puis elle va revoir sa petite nièce.
Leur arrivée est triomphale. Au village chacun veut voir la blessée, la
saluer, l’embrasser. Aucune question sur les autres. Ils savent déjà. On offre
du pain, de la charcuterie, des oeufs, de la farine de châtaigne, du brocciu
(fromage corse). C’est la fête.
Si elle l’avait pu, Claudia aurait un peu limité les
effusions. La voiture poursuit enfin son chemin et parvient devant la maison
rose de la Grand-mère de Laura.
Tout est calme, trop calme. L’ambulancier heurte la porte. Un
bruit dans l’escalier. Des pas lents, incroyablement lents. La porte s’ouvre,
enfin !
- Vous êtes seule, demande-t-il ? Il va falloir la monter. Je vais
chercher de l’aide. Je trouverai bien un homme valide et costaud.
Claudia n’ose poser la question qui la tenaille. Arrivée en
haut de l’escalier elle demeure stupéfaite : Laura est là, assise dans le
fauteuil réservé à sa grand-mère. Elle joue avec une magnifique poupée en
porcelaine. La fillette et sa poupée portent la même robe, sont coiffées à
l’identique : un ruban bleu ciel au-dessus d’anglaises fraîchement
enroulées et brillantinées. Laura qui ne supporte pas les chaussures arbore une
paire de mocassins noirs vernis dans lesquelles sont glissées des chaussettes
blanches.
- Tu ne dis pas bonjour ?
- Si bien sûr, bonjour !
- Mais enfin Laura, tu ne viens pas embrasser maman et tante
Jeanne ?
- Vous revenez de l’hôpital, mamie m’a dit de ne pas vous embrasser à
cause des microbes.
En colère après sa mère, Claudia se jette sur l’enfant, lui
arrache la poupée des bras, lui ôte sa nouvelle robe et son ruban.
- Vas mettre la robe que tu avais en arrivant.
- Je l’ai jetée, réplique la grand-mère. Quel exemple tu donnes à ta
fille ! C’est comme ça que tu lui apprends la politesse et que tu lui
témoignes ton amour ? Cela ne m’étonne pas. Là où vous viviez toutes les
deux vous ne pouviez acquérir que des manières de paysannes. C’est bien ce que
je pensais. Tu n’es pas capable de t’occuper de cette enfant, elle non plus
dit-elle en se tournant vers sa soeur. Il va falloir y remédier.
Entre temps l’ambulancier est revenu avec un brancard de
fortune, accompagné de deux hommes. Ils montent péniblement l’escalier très
raide, installent tante Jeanne dans une chambre. Ils n’ont rien perdu de la
dernière partie de la conversation.
Voilà, Madame la Mairesse. Votre soeur est installée, mais elle a besoin
de beaucoup de repos. Vous ne devriez pas la contrarier ainsi.